Mot-clé - Finalité

10 juin 2012

Pas de dialogue sans étiquette !

Ce billet est sans rapport avec les élections législatives en cours. Cependant, il concerne notre avenir social.

Entendons par dialogue une forme de relation sociale entre des personnes qui cherchent un accord au travers de ce dialogue. L'accord est à comprendre dans un sens très général. Comme son analogue musical. l'accord peut être banal ou original, final ou transitoire, etc.

Entendons par étiquette un ensemble de conventions communes qui permettent aux protagonistes de dérouler leur dialogue. Et considérons la capacité de créer une étiquette et de la partager comme une caractéristique humaine plus large que celle du langage, adaptable à tous media, génératrice de toute forme d'expression sociale. Enfin, préférons "étiquette" à "code", car ce dernier terme véhicule l'idée d'une contrainte d'application automatique (jusqu'à l'enfermement mental et physique individuel), alors que l"étiquette suppose une invitation, souvent associée à une connotation ludique - il s'agit bien du jeu social.

Remarque en passant. "Le code d'ouverture du coffre est sur l'étiquette". Cette expression, où "code" et "étiquette" sont pris dans leurs acceptions banales, peut sembler contester les définitions proposées. On peut cependant y discerner une confirmation : le code est bien ce qui enferme et contient, alors que l'étiquette reste à l'extérieur et rend maître du code !

Illustrons nos définitions par un exemple de la vie des entreprises, celui de la négociation entre un acheteur et un vendeur, tel qu'elle est présentée dans un ouvrage de référence "Acheter avec profit, guide de négociation de l'acheteur professionnel" par Roger Perrotin et Pierre Heusschen (Editions du Moniteur, 1989). Il s'agit de créer les conditions d'un accord entre un acheteur et un vendeur sur la fourniture d'un produit ou d'une prestation : prix, conditions de paiement, délai de livraison et de réapprovisionnement, garantie de qualité, emballage, services associés, conventions d'échanges informatisés, calendrier des prévisions de besoins, etc, etc. L'accord résultera d'une négociation sur chacun des critères objectifs connus du vendeur et de l'acheteur; ces critères sont objectifs parce qu'ils sont déterminés par la nature du produit ou de la prestation dans le contexte de la négociation. Chacun des protagonistes connaissant l'entreprise de l'autre, il peut classer ces critères objectifs en fonction de sa propre marge de négociation et, sur un autre axe, de la marge de négociation qu'il suppose chez l'autre. Il obtient alors un tableau de classement croisé qui lui présente les critères objectifs sur lequels la négociation promet d'être difficile (ceux pour lesquels la marge de négociation de l'un et de l'autre est faible), à l'inverse des critères peu conflictuels et parmi ces derniers, des critères "jokers" importants pour l'un des protagonistes mais pas pour l'autre. Une bonne tactique de l'acheteur consiste alors à conduire la négociation de case à case sur ce tableau dans un ordre qui lui permette à la fin d'obtenir un accord global satisfaisant (ce qui peut nécessiter le constat provisoire d'un blocage, d'où l'utilité d'une réserve de "jokers" pour redémarrer).

La personnalité de chacun des protagonistes intervient à double titre : dans la détermination du cheminement sur le tableau et dans l'expression (formules de politesse, questions ouvertes/fermées, types d'objections ou argumentaires et manières de les exprimer, etc). Cette potentialité de complexité foisonnante peut être réduite dans un cadre commun de référence : typologie des styles d'acheteur et de vendeur, caractérisation des tendances inefficaces des uns et des autres, ensemble minimal de règles de l'empathie transactionnelle dans ce type de négociation. Il devient alors possible pour chacun des protagonistes de mettre en oeuvre une tactique adaptée, d'éviter les situations de blocage ou de les résoudre.

Au total, ce qui est décrit dans ce guide de négociation, c'est une étiquette au sens défini en introduction. Si le cours réel de la négociation révèle des affrontements inattendus entre l'acheteur et le vendeur, par exemple du fait d'erreurs d'évaluation des marges de négociation ou du fait d'évolutions imprévues des styles de négociation adoptés, alors d'autant plus, cette étiquette sera le recours commun, parce qu'elle permet à chacun simultanément de percevoir la nécessité des ajustements, leur nature et leur portée souhaitables, puis de conduire leur réalisation dans un cadre commun - à ce titre l'étiquette est constitutive du métier des protagonistes dans leur relation conflictuelle. Clairement, même et surtout dans un contexte déterminé par la recherche d'un objectif précis, l'étiquette n'est pas le décor ni l'ustensile du dialogue, mais sa méthode.

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En généralisant juste un peu, les catégories de composants d'une étiquette de dialogue à objectif se dégagent :

  • référentiel des types de protagonistes en vue du dialogue pour l'objectif global poursuivi (ex styles d'acheteur et de vendeur)
  • référentiel d'affichage de la progression du dialogue en vue de l'objectif global poursuivi (ex tableau croisé des critères selon leur criticité pour chacun des protagonistes)
  • règles de cheminement du dialogue pour atteindre l'objectif global poursuivi (ex passage sur les cases à faible niveau de conflit jusqu'à obtenir un équilibre permettant, en conservant quelques jokers, de traiter les cases plus conflictuelles)
  • règles de préservation de l'empathie pour la continuation ou la reprise du dialogue en vue de l'objectif global poursuivi (ex comportements à éviter, comportements déclencheurs d'accords minimaux)

Notre ouvrage sur la transmission des compétences à l'ère numérique (voir le lien "Essai sur un web alternatif") contient une proposition d'étiquette adaptée à la transmission des compétences personnelles, évidemment bien différente de celle de la négociation entre acheteur et vendeur. Cependant, on y retrouve les catégories de composants listées ci-dessus. Ce n'est pas étonnant, il s'agit de fondamentaux méthodologiques, une analogie avec la musique concertante peut être éclairante.

Dans tous les cas, la mise en oeuvre sur le Web d'une étiquette de dialogue à objectif implique, par nature, la création d'une société virtuelle spécifique.

Pour ce faire, à l'évidence, le Web actuel doit être dépassé. Ce Web-là est devenu un jouet hypnotiseur à prétention universelle, instrumentalisé par les marchands et les manipulateurs. Les emoticones d'état d'âme, les réseaux sociaux banaliseurs, les services outilleurs de propagandes, les encyclopédies de l'instantané, les clics d'achats faciles par carte bancaire, les traductions automatiques ineptes, la netiquette en bouillie pour chat, et in fine la déclaration universelle des droits de l'Homme... : pauvreté de la socialisation sur le Web actuel, faiblesse de ses fondements techniques, misère de ses idéaux. Hélas, "le media est le message" comme disait un prophète du village planétaire, et nos savants se perdent dans ses détails insignifiants et ses oripeaux.

Le Web des innovations sociales reste à inventer, pas comme un miroir ni une extension du monde réel, mais comme l'espace des sociétés virtuelles en tant que nouveaux territoires du monde réel. Scandale : c'est possible ! Avec "dialogue" et "étiquette"...

17 mar. 2012

L'anonymat, un luxe de célébrités ?

Les "réseaux sociaux", de Facebook à Twitter, proposent aux personnes célébres d'authentifier leur compte afin de rédure le risque d'usurpation de leur identité.

Dans une nouvelle publiée sur Clubic.com le 16 février 2012, on apprend que Facebook va plus loin :

  • Les possesseurs d'un compte certifié ont le droit d'utiliser un pseudonyme (alternate name).
  • Ils bénéficient d'une version spéciale du bouton d'abonnement à leurs sites, plus agressivement proposée dans les listes d'abonnement, et qui n'implique pas que les abonnés deviennent amis automatiquement
  • C'est Facebook qui se charge de contacter les comptes potentiellement intéressés par ces superfonctionnalités et opére les vérifications à partir de documents légaux à fournir.

Dans cette proposition, nous reconnaissons la logique sélective classique des annuaires de personnalités, célèbres, riches, puissants. Au delà, Facebook attribue un pouvoir spécial à ces personnalités pour qu'elles s'attirent plus aisément la fraternité du commun des mortels sur le "réseau social", tout en leur permettant de se dissimuler pour ne pas être importunées.

C'est la décalcomanie des pusillanimités de nos sociétés réelles.

Quelle superbe preuve a contrario de nos thèses !

Un "réseau social" à prétention universelle tel que Facebook ne peut être qu'une extension de la société réelle, avec la migration de ses pesanteurs et la reproduction de ses privilèges - et ceci du fait même de sa visée généraliste selon les idéaux des dirigeants et organisateurs dudit "réseau social".

Nous affirmons qu'au contraire et à l'évidence pour aller vers une collaboration authentique entre les personnes et ouvrir de nouveaux territoires de l'esprit, une société virtuelle doit se constituer sur des finalités limitées, comprises et acceptées par ses membres. Que le fonctionnement d'une société virtuelle se structure sur des conventions, des projets, des règles de comportement qui découlent strictement de ses finalités et rien d'autre. En particulier, concernant l'expression de l'identité des personnes, si les finalités ne supportent pas ou ne nécessitent pas la reconnaissance des notabilités de la société réelle - ce qui sera le cas général - l'identité personnelle dans une société virtuelle doit dissimuler ou ne pas faire état du statut social "réel".

Par exemple, dans une société virtuelle consacrée à l'échange d'expérience autour d'une expertise technique, l'identité personnelle peut se définir par une forme amaigrie et adaptée de curriculum vitae anonyme. Peu importe que l'on puisse reconnaître telle ou telle célèbrité d'après son cv, le dialogue entre les personnes se fera sur la base des caractéristiques affichées dans leurs cv, rien d'autre, et selon les règles spécifiques de dialogue dans la société virtuelle considérée.

Autrement dit, à l'inverse de notre monde Facebook (ou autre) en miroir de lui-même, l'anonymat ne doit pas être un luxe mais un droit constitutionnel des sociétés virtuelles.

3 oct. 2011

La netiquette, vous connaissez ?

La netiquette, à l'origine, c'était un ensemble de règles de bonne conduite dans les échanges entre usagers sur Internet. Elle est apparue au début de la popularisation de l'Internet, à l'époque où n'existaient couramment, pour l'interaction entre les usagers, que l'email, les groupes de discussion (Usenet) et le chat (IRC).

NB. En fait, depuis cette époque, les innovations techniques sur Internet sont minimes; ce qui a changé, c'est le niveau d'"emballage" pour l'utilisateur (par exemple dans les réseaux sociaux), et la centralisation de services fournis et des exploitations statistiques en arrière plan par quelques quasi-monopoles.

A l'origine, la netiquette était plutôt une "nethique" du respect de l'autre illustrée de quelques exemples, que chacun était invité à interpréter ou transposer en toutes circonstances.

En 1995, la netiquette s'est développée dans un document RFC 1855, Netiquette Guidelines, d'une vingtaine de pages.

En plus des anciennes règles générales de bonne conduite, on y trouve des instructions d'emploi, des conseils d'utilisation, des injonctions à caractère juridique, des avertissements informatifs, des interdits typographiques, etc. Selon la catégorisation coutumière des informaticiens, l'ensemble est réparti en chapitres et paragraphes définis par les variétés techniques d'échanges (one to one, one to many, real time, etc.) et les rôles (utilisateur, administrateur).

Au total, l'utilisateur novice ou expérimenté peut y picorer les éléments qui pourraient l'intéresser. Malgré la pertinence du contenu, l'exploitation du document exige une curiosité tenace, et un bon niveau de tolérance au déséquilibre entre les généralités et les directives spécifiques. Les premières sonnent forcément creux en regard des secondes, qui ressortent minuscules en retour.

De notre point de vue et au-delà de la forme, cette netiquette est un bon témoin de l'impasse logique et des confusions conceptuelles régnantes, lorsqu'on se contente de projeter l'imaginaire et les valeurs de notre société directement sur un champ technique pris comme un absolu.

Cette netiquette est faussement universelle. Elle est imprégnée d'une conception particulière de l'être humain et d'une vision spécifique de la bonne société. On voit bien que cette netiquette ne peut s'exprimer que d'une manière négative, surtout par des restrictions et des interdits tous azimuts, par rapport à une utilisation supposée générique d'outils élémentaires, quels que soient les buts des utilisateurs à travers l'usage de ces outils. Des valeurs morales et des modèles éthiques sont implicites, même si leurs croyances et leurs dogmes sont sans rapport direct avec les finalités concrètes des actions à réaliser.

Pour nous, une véritable netiquette ne peut être universelle, elle est au contraire complètement spécifique à une société virtuelle donnée. Elle définit en détail une discipline d'interaction sur le Web dans chaque circonstance précise, dans le cadre de cette société. Elle dit comment et pourquoi s'établit une interaction élémentaire et la suite des interactions. Cette netiquette est donc évidemment par nature différente, par exemple, dans un réseau social consacré à la promotion de professionnels, dans l'utilisation par un particulier du service web d'une administration fiscale pour une déclaration de revenus, dans une discussion sur un forum consacré à un thème philosophique, etc.

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Nous renvoyons aux autres billets du blog ainsi qu'à notre ouvrage sur la transmission des compétences personnelles à l'ère numérique (http://cariljph.free.fr/). Nous avons tenté d'y expliciter comment peut être construite l'étiquette d'une société virtuelle donnée, et comment on peut l'appliquer dans la vie courante en fonction des seules finalités de cette société, indépendamment de choix de valeurs morales.

Dans ces conditions-là, à savoir celles d'une société virtuelle à finalités limitées, c'est l'étiquette qui libère l'intelligence et crée les conditions de l'entendement, en portant les finalités de la société. Dans ces conditions-là, l'étiquette ne nécessite aucune référence à l'éthique ni à la morale. A l'évidence, rien n'oblige à imposer "notre" société à des sociétés virtuelles dont les finalités sont comparativement étroites.

Nous défendons la thèse "anthropologique" que l'étiquette, au sens utilitaire où nous l'entendons, est un fondement social scandaleusement ignoré en comparaison de constructions d'apparences plus immédiates comme le langage, ou en comparaison des constructions complexes de l'imaginaire social. Cette thèse nous semble particulièrement bien répondre au besoin de création de sociétés virtuelles au-delà des simulacres flatteurs du Web actuel, grossièrement ineptes en regard de l'univers des possibles.

Nous ne prétendons pas réformer les sciences sociales, seulement montrer qu'il existe un champ ouvert à l'expérimentation et à la création. C'est bien de créations sociales entièrement nouvelles sur le Web qu'il s'agit. Et c'est pourquoi par ailleurs il faut une loi commune sur ce nouveau pouvoir de création.

29 août 2011

Sociétés virtuelles du Web : perversion intégrale ou refondation éthique de la société

Les nouvelles technologies informatiques, les réseaux sociaux, les portables s'ajoutent aux miracles quotidiens de l'énergie, des transports, etc. pour nous ouvrir des pouvoirs immenses, encore peu exploités aujourd'hui en 2011, de réalisation de nos désirs d'individus sociaux.

Ces nouveaux pouvoirs devraient nous inquiéter. En effet, si notre avenir commun est anticipé par le comportement actuel de certains personnages tout puissants particulièrement "connectés", ce sont d'abord nos pulsions primaires qui vont se développer comme jamais ! Vu d'ici, c'est un bien joli monde de folie organisée et de barbarie planifiée que nous préparons. Si nous en doutons, la dissolution des moeurs des gosses de riches et des enfants caïds au cours des décennies récentes nous le confirme. Surdéterminés par des pulsions d'imitation compétitive, suréquipés et surpuissants en réalité comme en rêve, ils sont les miroirs de notre avenir social. Les oeuvres de Bret Easton Ellis et de Roberto Saviano en apportent récemment des descriptions dérangeantes dans des genres littéraires différents, et ce ne sont pas des oeuvres isolées ni dépourvues d'antécédents.

Admettons que nous n'acceptions pas complètement ces perspectives. Alors, quel sens futur pouvons-nous donner à la morale sociale et à l'éthique personnelle ?

Par la diversité, l'ampleur et la fréquence des innovations techniques concentrées sur un petit siècle, le niveau des changements est complètement nouveau, aussi bien à l'échelle individuelle qu'à celui de la société dans son ensemble. Nos fondements sociaux sont inadaptés à ce niveau de changement, pourtant rarement mis en cause, comme si nous pouvions attendre qu'une catastrophe pédagogique élimine une grande partie de l'humanité. Evidemment et malheureusement, ce n'est pas en scrutant notre passé que nous pouvons trouver l'inspiration d'une telle fondation. Au contraire, la reconstitution d'émotions historiques, la nostalgie d'aimables conventions, la réanimation de valeurs justement oubliées, la réinterprétation de concepts poussiéreux, offrent autant de distractions respectables pour ignorer les changements ou les observer passivement. Que le prétexte de la complexité du monde moderne est bien commode, pour justifier que l'on s'agrippe à l'ordre des choses du passé !

Essayons donc plutôt l'anticipation romanesque, forcément dans le genre libre et sulfureux, afin de prendre un temps d'avance sur l'évolution qui nous emporte.

Imaginons notre société dans un futur proche, livrée aux péripéties d'une compétition intégrale sur fond de subversion morale outillée par les technologies informatiques - une très chouette société de roman, hiérarchisée, cynique, hédoniste, fétichiste, où se mêlent érotisme, passion ordinaire et sensualité perverse, beaux sentiments et manipulations meurtrières ! C'est une société vibrante d'opportunités pour les vainqueurs comme pour les vaincus. Pour tous, la vie est un jeu. A tout instant, en toutes circonstances, chacun se vit comme le concurrent ou comme l'instrument des autres, souvent les deux à la fois, dans la surenchère masturbatoire.

Vous trouvez l'odeur de la perversion trop forte ? Hélas, presque chaque jour, les titres des actualités nous présentent des échantillons de vilénies bien pires, les pulsions sauvages des individus dominants, l'arrogance experte des faux savants, la représentation grossière de nos désirs par la publicité, la mise en péril de populations pour des motifs égoïstes, l'exploitation lucrative de la nature humaine et des ressorts sociaux, etc. Comment nos sociétés virtuelles pourraient-elles éviter d'en être les creusets, les catalyseurs et les diffuseurs dans "la" société ?

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Le vrai scandale, c'est l'absence d'une loi commune des sociétés virtuelles.

(Note. Nous appelons sociétés virtuelles des composantes organisées de la société réelle sur le Web, comme le sont déjà en germe les réseaux sociaux et les groupwares de coordination de grands projets de travaux, mais à la différence d'univers imaginaires comme certains jeux vidéo, et à la différence de communautés Web simplement instrumentales comme les sites de discussion).

Nous n'allons pas brandir l'étendard des peureux rétrogrades et des opposants compulsifs aux chemins de fer, au téléphone, au Minitel, à Internet, etc. Dans notre discours, ce ne sont pas les innovations technologiques qui déterminent notre avenir, mais l'usage que nous en faisons pour nos évolutions personnelles et sociales.

Dans le cas des sociétés virtuelles, c'est l'évolution de nos modèles sociaux qui va s'accélérer et se démultiplier, s'imposer à tous à tout instant. Nous disons qu'il est grotesque de laisser cette évolution en mode automatique, que c'est un gâchis stupide !

En effet, en l'absence de loi commune, les sociétés virtuelles ouvrent tout notre univers mental au bouillonnement, à la réplication et à la mutation de nos caractères sociaux quasiment inchangés depuis le néolithique, tout en multipliant la puissance et la fréquence de leurs manifestations. C'est une exquise implosion de nos sociétés humaines historiques qui va se produire, naturellement et totalement dans toutes les dimensions sociales, avec un assentiment quasi général, du fait de la curiosité pour la nouveauté, de la magie des annonces, de la neutralité supposée des technologies par rapport aux catégories, croyances, etc. C'est un autre facteur qui entraînera l'irréversibilité : la tétanisation volontaire des individus par la multiplicité des sollicitations simultanées. (Note. La tétanie mentale sous une avalanche de sollicitations diverses même pas forcément incohérentes est un facteur de comportement suicidaire reconnu dans certains accidents ferroviaires imputés à l'"erreur humaine"; moins pudiquement, il s'agit d'un dépassement des capacités mentales du conducteur de train, qui a pris personnellement la décision la plus radicale pour le faire cesser; à l'opposé, nous parlons ici de tétanisation volontaire, peut-être faudrait-il dire autohypnose ?). On peut imaginer le stade ultime d'un tel monde unanime, celui d'automates humains hyper concentrés sur l'instant, mais futiles et primaires, dénués de conscience autonome, incapables d'imagination construite.

Les manipulations géantes du marketing marchand au travers d'Internet ne sont qu'un effet visible, parmi d'autres, de cette dynamique profonde lancée à toute allure sans contrôle. Bien plus suggestive de la puissance massive de cette dynamique, est la présence réduite aux habitudes machinales de nos contemporains dans les lieux publics, nous tous, absorbés dans des conversations à distance, au moyen d'engins minuscules dont personne autrefois n'aurait imaginé l'emprise proliférante. On peut en rire, on peut ridiculiser le vide convenu de certaines conversations, personne n'y échappe. On peut considérer les drogués des jeux sur Internet comme des anormaux, ils ne font néanmoins que manifester une pathologie relative dans un phénomène général. Notre cerveau humain n'est certainement pas conçu pour l'exercice que nous lui imposons dans notre utilisation des nouvelles technologies; l'ouverture permanente à de multiples sollicitations instantanées se fait aux dépens d'autres facultés.

Dans ces conditions, les improvisations libératrices par d'hypothétiques créateurs d'éthique n'auront jamais d'impact général ni permanent, même pas pour maintenir une illusion de variété dans l'imaginaire social; leurs créations seront intégrées, comme les créations des hackers dans un autre domaine, dans la méga programmation auto adaptative du système. Et les gros malins qui prétendent libérer quelques démons mineurs d'une manière inédite grâce aux nouvelles technologies, afin d'éduquer l'être humain ou de le prémunir d'autres maux bien pires, sont de grands naïfs, des illuminés ratatinés dans leur logique étriquée, des illusionnistes criminels contre l'humanité. Sur ce point, l'histoire factuelle des temps modernes est en accord avec la sagesse des siècles. (Note. Un exemple particulièrement édifiant est celui de l'économie libérale, à l'origine fondée par des moralistes selon leurs arbitrages d'époque).

Si les sociétés virtuelles nous emportent dans une régression catastrophique selon une pente naturelle, il n'y aura pas de maître sorcier ni de protection ultime pour nous en sortir, parce qu'il n'y aura plus d'ailleurs, plus d'autrement, pour aucun individu ni pour "la" société.

Il faut une puissance légitime et pérenne pour écarter la perspective de cet avenir minable, influencer immédiatement son processus naturel de réalisation. Il est évident que l'on n'agira pas sur ce processus par des interdits intangibles au nom du Bien et du Mal, ni même simplement au nom des droits de l'homme, dont les expressions historiques résonnent déjà étrangement. Il serait également dérisoire de proscrire telle ou telle possibilité technique supposée néfaste. En revanche, il est possible de maîtriser le processus par ses productions et dans ses modes d'action, en exprimant des exigences indépendantes de la mécanique interne du processus mais réalisables par cette même mécanique. Pour cela, nous avons seulement besoin d'un fondement éthique provisoire, traduit dans une pratique raisonnable, rien de plus.

L'idée de loi commune que nous proposons est la suivante :

  • que les finalités de toute société virtuelle doivent s'intégrer à des finalités d'intérêt général,
  • que toute société virtuelle doit, dans sa constitution et son fonctionnement, complètement refléter ses finalités propres et seulement celles-là.

Note. Les finalités, au sens de cette proposition, doivent être comprises comme de grands objectifs atteignables par des étapes définies et réalistes. A l'opposé, les discours d'intentions sur les "fins", les catalogues de "valeurs", l'exhibition de "solutions" aux défis d'actualité... devraient être considérés comme les expressions d'une volonté d'enfumage ou d'une incompétence crasse.

Mais alors :

  • qui définira nos "finalités d'intérêt général" applicables aux sociétés virtuelles, sur quelles bases, pour quelle durée de validité, avec quelle légitimité,
  • qui jugera qu'une finalité proposée pour une société virtuelle est dans l'intérêt général (du moment) ou non,
  • qui imposera la transparence des sociétés virtuelles et leur soumission à la loi commune,
  • qui vérifiera sur le fond la conformité des sociétés virtuelles à leurs propres finalités, à quelle fréquence ?

Tant mieux si ces questions vous semblent à présent de première importance !

Voyons sommairement la question du "qui". L'examen d'organismes établis dans le combat moral par des actions techniques fait apparaître, en regard des exigences de nos propositions pour les sociétés virtuelles, des éléments exemplaires mais aussi des carences béantes à méditer. En voici un échantillon représentatif : le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, les instituts de normalisation, les ONG de défense de la planète, les agences de sûreté nucléaire, les officines de notation financière, les points de contact nationaux des Principes de l'OCDE, les services spéciaux de sécurité informatique, en France le comité d'éthique.

Nous voyons bien qu'il est difficile, dans la société réelle et encore plus dans un monde en évolution galopante, d'exprimer un choix de finalités, d'organiser la légitimation de ce choix, d'adapter les moyens et la répartition des pouvoirs en vue de la réalisation des finalités. La confusion entre finalités, valeurs, mots d'ordre, moyens, compétences... est épouvantable. Mais on s'en occupe !

Or, il est incomparablement plus facile de donner des finalités et de les réaliser dans les cadres relativement étroits que sont ou seront les sociétés virtuelles. C'est justement là l'opportunité à ne pas manquer.

Pour conclure.

Ou bien nous laissons notre monde réel se projeter tel quel dans les sociétés virtuelles émergentes et à venir; nous laissons nos caractères humains génétiques et les logiques historiques de nos fondations sociales s'amplifier au travers des nouvelles technologies. De toute façon, comme nous avons déjà par ailleurs la certitude d'une catastrophe planétaire à venir du fait de l'action humaine, la perspective d'une régression sociale et individuelle de l'espèce humaine, massive et irréversible, peut paraître secondaire, et même favorable sous certains aspects.

Ou bien nous faisons un usage raisonnable des sociétés virtuelles, et peut-être ce bon usage nous permettra de faire évoluer notre monde réel pour le sauver de nos certitudes.

19 août 2011

Pour une théorie générale des sociétés virtuelles du Web

Voici un billet ambitieux. Heureusement, le format du blog oblige à la concision.

De quoi parlons-nous, au fait ?

Tout d'abord, sur la "différence" entre société virtuelle et société réelle, nous considérons :

  • que les sociétés virtuelles existent depuis l'aube de l'humanité, "la" société réelle comprenant naturellement de nombreux éléments virtuels plus ou moins réalisés
  • que l'apport le plus important des technologies Web est de nous donner la capacité de réaliser des sociétés virtuelles aisément
  • qu'une société virtuelle repose sur l'équivalent d'une constitution étatique spécifique comprenant des règles de fonctionnement, une discipline
  • qu'une société virtuelle se concentre sur des finalités pratiques qui seraient inatteignables ou difficilement atteignables hors de cette constitution, de ces règles, de cette discipline particulières
  • qu'une société virtuelle est plus qu'un jeu, plus qu'un instrument, plus qu'un media; c'est une composante de la société réelle
  • que la réalisation de multiples sociétés virtuelles représentera une évolution de "la" société humaine

Ne confondons pas société virtuelle et utopie; une société virtuelle ne vise pas à devenir "la" société, ni à l'évasion hors de "la" société.

Ne confondons pas société virtuelle et monde imaginaire, ou univers parallèle. Bien qu'un monde imaginaire puisse être très organisé et très réel au travers de son influence sur le comportement des humains, la société virtuelle s'en distingue par plusieurs caractéristiques :

  • elle prend "la" société et l'humanité existantes, puis ses évolutions, comme des données imposées
  • elle est entièrement tendue vers la réalisation de ses propres finalités pratiques dans le monde réel.

Ne confondons pas finalités et valeurs. Une finalité est un objectif à réaliser, dans un délai mesurable (exemple : reconvertir l'agriculture française à l'écologie) ou en continu (exemple : transmettre les compétences personnelles). En soi, une finalité ne véhicule aucune valeur. Dans la société, l'opération de choix des finalités relève de la politique; mais une finalité, c'est le contraire d'un discours fumeux; la réalisation d'une finalité doit être atteignable et les moyens concrets, les étapes pour y parvenir doivent pouvoir être définis.

Dans l'histoire, les exemples les plus évidents de sociétés virtuelles réalisées, ce sont les sociétés de compagnons artisans de métiers, en particulier ceux qui ont contribué à la construction des grands ouvrages de leur époque. Plus récemment, on retrouve les caractéristiques de sociétés virtuelles dans les équipes de grands projets novateurs ou transformateurs de la société, de l'environnement, etc. Concernant le Web, des expériences récentes telles que social Planet (http://www.social-planet.org/) ou Friend Of A Friend (http://www.foaf-project.org/ dans une interprétation plutôt informaticienne), entretiennent la flamme dans les ténèbres bruyantes des fausses solutions promues par les batteleurs.

Pourquoi si peu de réalisations ?

Ce qui empêche l'émergence des sociétés virtuelles sur le Web :

  • l'absence de référentiels d'intérêt général maintenus comme tels sur le Web (en gros, il s'agit de : dictionnaires et encyclopédies versionnées, collections de journaux)
  • la trahison des technologies du Web, au profit d'un réseau consacré prioritairement au trafic commercial à partir de serveurs centralisés (le "Web 2" = un concept marketing), les rares services d'intérêt commun servant de pots de miel aux fins d'analyses statistiques à destination marchande et à des fins manipulatoires
  • le confinement de l'ergonomie à l'utilisation individuelle d'ustensiles, au lieu d'envisager même modestement la création de modes d'expression nouveaux entre des personnes
  • le pouvoir normalisateur des quasi-monopoles de l'informatique, axés sur l'optimisation de leur puissance et de leur profit
  • la tétanisation des "moutons électriques", automates humains jouisseurs drogués d'émotions, tous conformés aux mêmes stéréotypes de réalisation de soi
  • l'incompétence de la plupart des penseurs littéraire à comprendre la technique dans ses aspects pratiques
  • l'incapacité de la plupart des scientifiques à l'expression d'une pensée réfléchie en l'absence de certitude formelle
  • l'influence persistante de courants intellectuels dogmatiques, ignorant les changements rapides du monde (la radio date des années 40, la télévision des années 50, mais l'explosion de la population humaine et le début de la catastrophe écologique, qui sait les dater...)
  • l'abscence de convergence entre l'intérêt général et le modèle d'une société régie par l'économie monétaire (exemple : les brevets en comparaison de la gratuité des idées)
  • la difficulté, en régime démocratique (autrement, la question ne se pose pas), de légitimer une définition de l'intérêt général dans un contexte et pour un futur propre à l'action (voir le vide de la plupart des "programmes" politiques en termes de finalités concrètes)
  • etc, etc

Plus que tout cela, il existe un déficit de réflexion des sciences sociales sur ce qui fait "la société" dans les situations et contextes de notre vie courante.
Car voici les démarches intellectuelles très fréquentées, très respectables par ailleurs, dont nous n'avons PAS besoin dans notre démarche de création de sociétés virtuelles :

  • la réflexion sur "la" société humaine, ou sur les sociétés en tant qu'entités autosuffisantes par la combinaison floue de logiques identitaires et de ressorts universels
  • l'analyse psychologique de l'inconscient collectif
  • l'enquête des motifs transcendants de la société
  • la modélisation historique transverse à découpes thématiques (jeux, medias, sexualité, gestion budgétaire,...)
  • la réflexion politique, en particulier lorsqu'elle prétend se fonder sur des valeurs.

Considérons plutôt la relation sociale de la vie courante comme l'expression d'une étiquette (qui peut dépendre des personnes, du lieu, du moment, de l'environnement, etc) et admettons comme hypothèse de travail que les interactions sociales reposent sur des comportements physiques et mentaux quasi-mécaniques. A ce stade de dépouillement, osons même gommer le mot "quasi".... Alors, nous nous libérons de nos pesanteurs mentales d'individus noyés dans "la" société et nous pouvons alors envisager de construire de vraies sociétés virtuelles sur le Web, à finalités limitées, afin de réaliser concrètement ces finalités-là.

Alors, les valeurs sociales, l'identité personnelle, l'inconscient, même le langage... ne sont PAS à considérer comme donnés a priori dans la constitution d'une société virtuelle. La liberté dans la création de l'étiquette sociale adaptée à chaque société virtuelle doit être totale, afin que la société virtuelle puisse être entièrement tendue vers ses finalités propres. Notre essai sur la transmission des compétences personnelles à l'ère numérique (http://cariljph.free.fr/) est sans doute le premier à traiter cette constitution complètement pour son sujet.

Sinon, la malédiction "le message, c'est le media" écrase tout, et le Web marchand prend toute la place !

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Tentative de classification et d'illustration

Dans un but de recherche théorique prospective, ce serait une erreur fondamentale de classer les sociétés virtuelles du Web autrement que par leurs finalités. En effet, c'est la finalité de chaque société virtuelle qui fonde sa convention constituante originale, comprenant ses règles de fonctionnement spécifiques (comment on s'inscrit, comment on s'en va), la discipline particulière imposée aux membres, etc, en pratique incarnées dans une étiquette sociale. Quel est le champ des finalités possibles, comment en déduire les éléments adéquats à placer dans la convention constituante ? Telles sont les questions à traiter; c'est un immense terrain vierge pour les sciences sociales...

En revanche, une classification par type de constitution, par type de fonctionnement, par type de discipline, peut servir d'aide au diagnostic des maladies des sociétés virtuelles. Par exemple, si le coeur de la constitution n'est qu'un répertoire de valeurs-doudoux et de mots d'ordre de propagande, si la discipline implique un formatage des esprits, si les règles de fonctionnement asservissent les personnes.. alors on peut dire que la société virtuelle examinée est non seulement contraire à l'intérêt général mais monstrueuse. On pourra se reporter à l'exemple imaginaire (pas pour longtemps, hélas) esquissé dans un billet précédent, associant l'enfer et le paradis dans son titre.

Un premier facteur différenciant des sociétés virtuelles est la durée de vie, autrement dit la durée estimée de réalisation de la finalité ou des finalités. Un deuxième facteur, le degré d'universalité des finalités. Un troisième facteur le niveau d'externalité des finalités par rapport au Web. On peut certainement en trouver d'autres...

Concernant la durée de vie, une société virtuelle à durée de vie réduite s'assimile à une équipe de projet créée pour de grands travaux dans les organisations ou les méga-entreprises. Profitons de cette analogie pour faire comprendre la nécessité d'une convention constituante de toute société virtuelle et pour éclairer l'étendue nécessaire de la liberté de création des éléments de cette constitution, y compris et surtout concernant le langage et les modes d'interactions. En effet, tous ceux qui ont vécu plusieurs années à temps plein dans une équipe de grand projet savent ce que veut dire concrètement le terme de culture d'un projet; sinon, ils découvrent lorsqu'il doivent faire retour à la vie "normale" à la fin du projet, ou pire lorsqu'ils sont reconvertis vers un autre projet en cours de route, à quel point ils vivaient "dans un monde à part". C'est que la culture spécifique d'un projet donné ne sert pas seulement à créer la maison commune des participants venus de plusieurs métiers et horizons, ne sert pas seulement à créer des réflexes, systématiser des façons de faire que l'on considère comme efficaces dans le cadre du projet. Il s'agit bien de la création d'une structure sociale au plein sens du terme, où l'identité des membres est définie par le projet, où la langue parlée est celle du projet, presque incompréhensible pour de nouveaux arrivants (l'affirmation que la langue de travail est l'anglais est une approximation grotesque), où une éthique commune régit sur mesure ce qui peut ou ne peut pas être fait par tel ou tel membre, où des expressions, des tics, sont devenus des déclencheurs coutumiers de recueillement, de rire, de mobilisation etc, etc.... Ce sont là des faits d'expérience, qui vont bien au-delà de ce que décrivent les manuels de gestion de projet (non pas que ces manuels soient défaillants, ils restent au niveau de la théorie et de la technique pure). Que se mélangent dans cette culture des éléments incidents dans l'histoire du projet et des éléments fondamentaux issus des finalités du projet, c'est une évidence. D'ailleurs, il est souvent dommage qu'une partie des seconds soient découverts en chemin dans les projets réels : voici encore un sujet d'études...

Nous ne développerons pas d'argument spécifique à l'axe particularisme / universalité. Il est grossièrement évident que des finalités qui ne concernent qu'une partie de l'humanité sont a priori plus faciles à traduire dans une société virtuelle, mais il est tout aussi évident que cette facilité peut être un piège.

Le troisième facteur, celui du niveau d'extrusion des finalités, traduit la différence entre une société virtuelle dont la finalité unique serait un produit sur le Web (par exemple une encyclopédie nourrie de contributions multiples), par rapport à une société virtuelle où le Web serait purement instrumental (par exemple, une association de randonneurs parcourant zone géographique précise). Ces deux cas extrêmes sont probablement insatisfaisants par rapport à l'ambition générale d'une société virtuelle, mais il peuvent servir à caractériser des types de conventions constituantes.

C'est pour quand ?

Espérons que nos travaux sur les sociétés virtuelles faciliteront prochainement la publication d'un best seller par un auteur célèbre ou l'apparition de la thèse lumineuse d'un nouveau génie du siècle, pour que les éléments nécessaires au changement social majeur par la réalisation des sociétés virtuelles soient connus, correctement exprimés et développés.... Car nous n'en avons pas la capacité.

C'est certainement plus important pour l'humanité que la connaissance de l'univers galactique et plus crucial pour son avenir, face aux périls qui la menacent, qu'une invention miraculeuse supplémentaire.

Dans cet espoir, nous nous permettons de renvoyer le lecteur curieux à notre essai sur la transmission des compétences personnelles à l'ère numérique (http://cariljph.free.fr/) et aux autres billets du blog.

3 août 2011

Du progrès en ergonomie ?

Les appareils de photographie numérique sont concurrencés par les téléphones portables. Les photographies prises par ces derniers sont considérées par beaucoup d'utilisateurs comme bien suffisantes en qualité, d'autant plus que leurs fichiers informatiques sont d'emblée adaptés à la publication telle quelle sur le Web.

Il existe probablement un autre argument au succès des portables : celui de la stagnation ergonomique des appareils de photo numérique.

J'utilise assez régulièrement deux appareils de photo numérique de générations différentes.

Mon premier appareil se distingue par son zoom optique facteur 10, son petit écran orientable... mais ses batteries rechargeables sont d'un modèle spécifique, heureusement que l'on trouve des batteries compatibles à moins de 15 euros sur le Web à la place des batteries d'origine 10 fois plus cher sur le marché libre.

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Mon second appareil est tout récent, tout numérique, tout plat, tout petit et poids plume, tout de même avec un zoom optique 3x.

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A l'évidence, l'aspect du premier engin fait ringard en comparaison du nouveau. De loin, on le prend pour une caméra, à cause de son gros nez qui abrite son optique plus élaborée.

Mais, du point de vue de leur utilisation, les deux appareils sont très voisins :

  • - ils ont un mode automatique qui permet de tout faire, de la photo de paysage à la photo de fleur en détail
  • - ils nécessitent un minimum d'apprentissage pour la manipulation courante de boutons de fonctionnalités voisines
  • - ils utilisent l'écran pour des dialogues similaires de réglage de l'appariel ou de parcours des photos enregistrées.

Les différences sont ailleurs :

  • - le premier appareil dispose d'un plus grand nombre de boutons fonctionnels alors que le second concentre les fonctions sur et autour de quelques boutons
  • - un manuel papier complet est livré avec le premier, un manuel simplifié sur papier et un manuel complet sur cdrom avec le second
  • - un driver spécifique est nécessaire pour le premier sous Windows (mais pas sous Linux), alors que le second fonctionne avec un driver standard (sous XP et +) sans installer aucun des logiciels spécifiques livrés sur le cdrom
  • - 760 g contre 180 g
  • - photos à 180 dpi contre 72 dpi dans les modes courants, malgré seulement 3 mégapixels contre 14 mégapixels (mais qu'est-ce que cela peut bien signifier à l'échelle humaine ?)
  • - ...

Les questions d'un utilisateur "normal", alors que plus de 10 ans séparent les deux engins, seraient plutôt les suivantes :

  • - pourquoi les manuels sont-ils encore un mélange d'essentiel et d'accessoire, sans jamais fournir aucun exemple de photo numérique que l'on peut réaliser avec ces appareils ?
  • - pourquoi les informations techniques sont-elles de moins en moins explicites, même celles qui intéresseraient l'internaute utilisateur ?
  • - pourquoi, malgré l'augmentation des capacités de mémoire embarquables, ne peut-on pas consulter le manuel complet directement sur l'écran de l'appareil ?
  • - pourquoi n'existe-t-il aucune aide intégrée en cours d'utilisation, avec possibilité de choix de la profondeur de cette aide selon le niveau d'expertise ?
  • - pourquoi les questions d'ergonomie sont-elles traitées secondairement en rapport à des innovations technologiques (écran tactile, vision 3D, etc.) ?
  • - etc.

NON, je ne souhaite pas que mon appareil de photo numérique dispose un jour d'une liaison Internet, d'un GPS, d'un agenda, etc. C'est pourtant bien ce qui va se passer, fatalement, si la stagnation ergonomique persiste. Et alors, tout aussi fatalement surviendra l'évolution de l'appareil de photo numérique comme témoin rapporteur intelligent de nos exploits sur commande, mis en scène dans de sympathiques compétitions organisées à l'intérieur de réseaux sociaux par des clubs de tous bords.... A côté de ce futur-là, celui de Big Brother, c'était de la rigolade.

6 juil. 2011

Smart grid, une autre économie de l'énergie

Un "smart grid", c'est un réseau de distribution d'électricité qui utilise des technologies informatiques pour optimiser la production et la distribution afin d'assurer l'équilibre entre l'offre et la demande.

C'est pour le moment un concept. Mais, il est à l'ordre du jour, pour répondre au développement attendu des productions locales d'énergie électrique (centrales géothermiques, chaudières à compost, panneaux solaires, éoliennes, etc. ), et du côté de la consommation, au développement des véhicules électriques.

En effet, on conçoit bien que l'on puisse économiser la construction de centrales de production d'énergie électrique, voire même envisager la réduction du parc existant, si l'on parvient à utiliser intelligemment toutes les nouvelles formes de production d'énergie. Le besoin d'"intelligence" augmente du fait que les nouveaux types de production seront dispersés et par nature intermittents (sauf la géothermie), et que les consommations des véhicules électriques (nulles tant que les batteries ne sont pas mises en charge) seront elles aussi intermittentes. Certes, on pourra créer des capacités de stockage d'énergie (par exemple des châteaux d'eau remontant le fluide lors des périodes d'excédent de production) ou utiliser la charge disponible des batteries des véhicules électriques, mais seule une prévision correcte permettra l'équilibrage entre l'offre et la demande dans la durée.

Que voilà donc un beau projet d'optimisation !

Différentes stratégies d'optimisation ont été élaborées par des organes compétents. En simplifiant beaucoup, les deux stratégies extrêmes envisagées sont :

  • une régulation centralisée au moyen d'algorithmes intelligents
  • une plate forme centrale de trading où viendraient constamment se confronter et s'ajuster les offres et les demandes prévisionnelles, aux prix d'équilibre déterminés par une concurrence libre et non faussée

Diverses combinaisons de ces stratégies et de nombreuses variantes sont possibles, notamment par la décentralisation vers des micro-réseaux locaux gérés par des agrégateurs. Plusieurs projets pilotes urbains, alimentés par des subventions importantes, sont en cours ou dans les cartons. Dans tous les cas, les développements informatiques et les technologies Internet y prennent une place importante, malgré que les optimisations développées risquent de s'avérer purement théoriques car ces projets pilotes utiliseront des matériels au stade du prototype industriel et se fonderont sur des hypothèses prospectives.

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Il est donc encore temps de se demander si le problème est bien posé ! En effet, on ne semble jamais remettre en cause le modèle économique associé à des capacités de production indéfiniment ajustables à la demande, alors que nous nous précipitons vers un bouleversement majeur du fait de la raréfaction des sources d'énergie non renouvelables et de leur disqualification en regard d'exigences vitales, et que, de plus, il faudra faire face à une augmentation importante de la demande globale en conséquence de la transition au véhicule électrique (chaque véhicule consomme en gros l'équivalent d'un foyer).

Une finalité naturelle serait de fournir un minimum vital des besoins énergétiques de chacun, avec le maximum de confort pour chacun, avec des possibilités de suppléments de fourniture à l'occasion et en fonction de l'investissement solidaire de chacun.

Dès lors, on devrait :

  • raisonner en termes de rationnement intelligent plutôt qu'en recherche d'un équilibrage entre offre et demande comme si cette dernière pouvait toujours être couverte à condition d'y mettre le prix et de respecter ses prévisions
  • responsabiliser le consommateur (particulier ou établissement industriel) sur l'expression de ses besoins en quantités et pour quelles horaires, en lui fournissant les éléments de décision pour que ses choix soient réalisables et impactent le moins possible ceux des autres
  • motiver le consommateur à se comporter en stockeur d'énergie potentiellement redistribuable (au moins, pour un particulier, dans la batterie de son véhicule électrique) et en producteur capable de déplacer ses propres priorités de consommation pour le bien commun

Alors, le coeur des algorithmes informatiques à développer ne serait plus le trading en vue d'un équilibre pseudo optimum mais l'aide à la décision du consommateur sur la quantité et le moment de sa consommation d'énergie, et l'incitation du même consommateur à contribuer au financement d'installations granulaires de production et de stockage, dans le contexte d'une pénurie globale physiquement insurmontable. Dans ce cadre, le point d'équilibre théorique dans un marché de concurrence libre ne présente aucun intérêt. Ce qui devient vital et permanent, c'est que l'on ne doit jamais, sauf catastrophe (par exemple pour alimenter une intervention de pompiers), avoir recours à la centrale électrique de réserve qui brule du gaz dans des turbines génératrices. Les algorithmes logiciels servent alors à faciliter le réglement en douceur des situations imprévues (par exemple vague de froid), et la qualité du dialogue avec les consommateurs-producteurs-stockeurs devient de première importance, et le premier facteur de cette qualité c'est de s'appuyer clairement sur des finalités connues et acceptées.

En poussant cette logique à l'extrême, on pourrait se débarrasser complètement de la fiction d'économie marchande de l'énergie électrique dont le prix évoluerait à tout instant en fonction d'une multitude de paramètres, pour passer à une économie de redistribution en situation de pénurie, où l'énergie électrique n'aurait pas de prix ou un prix conventionnel fixe assorti d'un prix complètement dissuasif en cas de comportement individuel néfaste (mais la seule vraie dissuasion resterait le délestage sélectif !). En parallèle, il faudrait établir une répartition des investissements de production et de distribution ainsi que des frais de fonctionnement, en cohérence avec les objectifs de responsabilisation et de motivation du consommateur. En tous cas, les modèles de calcul du prix optimum de facturation de l'énergie électrique par une régie publique, élaborés dans les années 60, ne s'appliquent plus.

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Quelle que soit la vision économique de référence, il est clair que des infrastructures de production et de stockage d'énergie électrique devront être créées près de l'usager et chez l'usager, que l'usager devra être responsabilisé sur sa consommation propre et que l'usager devra adopter un comportement solidaire (sinon, nous aurons une répartition de la capacité de production-stockage équivalente à celle de la protection contre les explosions nucléaires, entre ceux qui possèdent un abri atomique privé peu utilisé et les autres qui se débrouilleront avec les infrastructures publiques). Il existe certainement plusieurs chemins pour y parvenir, mais le plus court sera le meilleur. Il paraît déraisonnable d'espérer découvrir ce chemin en prolongement d'une amorce existante ou moyennant quelques aménagements subsidiaires. Au contraire, il semble nécessaire d'envisager à la fois la rupture technique et économique dans la fourniture et la consommation d'énergie, et simultanément la réforme des comportements sociaux des consommateurs-producteurs-stockeurs.

Et alors, à l'évidence, les mirages des nouvelles technologies informatiques et des algorithmes secrets, les fumées d'encens du principe de subsidiarité, ne sont pas des éléments de réponse bien solides ni suffisants.

En revanche, quel bel exemple d'authentique société virtuelle à créer !

26 juin 2011

Décentralisation sans subsidiarité

Une société virtuelle à finalité simple, conforme à la nature décentralisée du Web, ne peut être soumise au "principe de subsidiarité" ! Ce n'est pas une affirmation gratuite, ce refus est absolument vital pour échapper à l'un des plus encombrants boulets conceptuels de notre époque et à ses conséquences monstrueuses.

En effet, un prétendu "principe de subsidiarité", considéré comme une évidence, est incrusté dans les réflexions convenues sur les organisations humaines. Il est au moins implicite dans le discours politique concernant la démocratie occidentale. On gagnerait pourtant beaucoup à remettre en cause ce faux principe, à commencer par les modalités de son application, car il sert trop souvent, dans nos sociétés réelles, à pérenniser une hiérarchie de classes sociales et de systèmes de pouvoir, quelle que soit la nature du système politique. Ce principe soutient la rhétorique floue des discours où n'importe quelles mesures, ou à l'inverse n'importe quelles absences de décision sont directement reliées à des valeurs fumeuses. De cette manière, le "principe de subsidiarité" s'emploie aussi commodément à justifier l'arbitraire que l'impuissance, à prêcher la responsabilité locale qu'à la paralyser sous des strates d'une complexité foisonnante. On peut en trouver des illustrations dans nos états contemporains et généralement dans beaucoup de grandes organisations.

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Que nous dit ce "principe de subsidiarité" ? (NB. La définition et les développements ci-dessous sont issus de la pratique, on pourra utilement les comparer au verbiage bien pensant diffusé par ailleurs).

Que les actions "subsidiaires", c'est à dire les actions de mise en oeuvre détaillée des décisions prises par des autorités, doivent être conduites localement. C'est donc un principe de décentralisation d'apparence parfaitement raisonnable. Sa justification rigoureuse dérive d'une modélisation mathématique anodine, où l'on montre comment on peut répartir de manière optimale des objectifs locaux en vue de réaliser un objectif d'ensemble. C'est pourtant bien ce genre de modèle qui a si bien apporté la preuve de sa pertinence dans notre monde réel au temps de la planification soviétique. Mais il est facile de dire que cette planification a échoué pour des raisons externes ou parce qu'on n'a jamais pu obtenir les bonnes informations au bon moment pour l'alimenter correctement (il est pourtant évident que tout le monde avait intérêt à mentir...). Peu importe ! Pour refonder la réputation du principe de subsidiarité, il suffit de présenter d'autres exemples comme des réussites inconstestables ou, au moins, comme des progrès face à la menace du chaos : l'organisation militaire en cours d'opération, la grande entreprise conquérante à établissements multiples, la gestion scientifique de l'ordre économique mondial... En bref, on ne saurait concevoir une décentralisation efficace que sur la base du "principe de subsidiarité", ou alors il faudrait renoncer à mesurer quoi que ce soit !

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Or c'est précisément là que se trouve le point d'achoppement du "principe de subsidiarité" : son application oblige à la fusion entre finalités, objectifs et moyens, pour y substituer l'action brute mesurable. A cette confusion volontaire s'ajoute la croyance que des experts ou des délégués responsables (devant qui ?) prennent les bonnes décisions qu'au nom de l'intérêt (général ?) commun, on peut décomposer (selon quelle logique ?) en objectifs cohérents jusqu'à un niveau d'exécution adéquat (selon quels critères ?). C'est à ce point que la "subsidiarité" prend son sens : les subsidiaires sont des exécutants, consentants peut-être, mais de simples exécutants, autonomes automatisés en regard de l'objectif qui leur est assigné. Le choix du niveau subsidiaire dans l'organisation est critique : c'est celui où pourront se développer la solidarité, l'entraide, l'imagination, l'optimisation dans l'allocation des moyens en vue de réaliser les objectifs assignés, avec une marge de tolérance en fonction des aléas. C'est aussi à ce niveau que se révèlent, dans la pratique, les contradictions marginales entre les objectifs assignés en résultat de diverses logiques de dérivation ou d'agrégation, sans parler des conflits de moyens, qui peuvent être carrément frontaux.

C'est bien pourquoi, dans certaines grandes organisations, on prétend négocier un objectif individuel par employé en prolongement de la subsidiarité des objectifs au niveau des départements. Par ailleurs, on instaure de ce fait la compétition de tous contre tous dans l'insignifiance de chacun, ce qui permet de masquer les véritables objectifs de l'organisation à ses employés, abusés par une communication abrutissante sur des valeurs décoratives et un projet d'entreprise consensuel de saison.

Il serait facile de multiplier les exemples à l'appui de la nullité pratique du prétendu principe autant que des excès de son instrumentalisation, il suffit de lire un journal quotidien. Il est dommage que la pensée politique et sociale ne se soit guère penchée sur la question de la légitimité démocratique des finalités d'intérêt général, à commencer par l'expression de ces finalités d'une manière bien distincte des "valeurs éternelles", et tout aussi bien disctincte des objectifs et des moyens. En tous cas, si cette pensée existe, elle mériterait une actualisation. Ce serait d'autant plus nécessaire que le faux principe de subsidiarité est associé, dans l'inculture profonde de nombreux personnages, à un pseudo théorème permettant d'assimiler (abusivement) l'intérêt général à l'agrégation des intérêts particuliers, d'où il ressort en pratique que chacun doit considérer son intérêt particulier avant l'intérêt général puisque c'est pour le bien de tous. Il s'agit là de croyances infondées, dangereuses à une époque où les sociétés humaines ne peuvent plus se comporter en parasites d'une planète inépuisable et infinie.

Oui, le "principe de subsidiarité" est un faux principe, absurde, inefficace, dégradant, criminel. Son domaine idéal d'application, c'est un univers de gaz parfait, proche du minimum d'entropie, bien prévisible, purement théorique, complètement inhumain. A la rigueur, on peut l'étendre aux sociétés d'insectes, aux bandes de pillards sur de nouvelles terres, aux nations en guerre de tranchées...

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Dans une organisation de personnes humaines, c'est un principe de non subsidiarité des finalités qu'il faudrait respecter :

  • les finalités, en tant que grands objectifs à long terme, sont les mêmes partout pour tous en tous temps, à l'intérieur de l'organisation considérée,
  • la logique contingente qui permet de répartir les objectifs du moment dans le temps et entre les entités agissantes doit être reliée aux finalités, ainsi que l'allocation des moyens nécessaires pour réaliser ces objectifs, afin d'être comprise et acceptée par les destinataires,
  • cette logique contingente, à la fois stratégique et commune du fait de son association aux finalités, est révisable et fait partie du contrat commun à tous dans l'organisation,
  • etc


Certes, dans nos organisations du monde réel, ce "principe" de non subsidiarité des finalités serait souvent d'application difficile. L'une des raisons en est la complexité dudit monde réel, si brillamment surmontée par la magie délirante du "principe de subsidiarité". Il est en effet, évident que les finalités d'une grande organisation du monde réel peuvent être nombreuses, imbriquées, de diverses natures, positives et défensives, etc,, même en faisant abstraction des aberrations psychologiques des dirigeants ou des contraintes objectives, par exemple concernant la préservation de secrets stratégiques. Mais, n'est-ce pas justement parce que nous ne savons pas, ou nous n'osons pas exprimer nos finalités d'intérêt général ? Et enfin, avons-nous tellement d'autres solutions ouvertes pour sortir de nos impasses politiques et sociales actuelles ?

C'est pourquoi, sur le Web, il convient de développer d'abord la société virtuelle à finalité simple, car elle est relativement facile à libérer des principes d'organisation "efficace" et de leurs pesanteurs mentales. En tant que personnes humaines, à travers la multiplication de ce type de société virtuelle, ce choix nous ouvre un univers où beaucoup de finalités, jusqu'ici considérées comme lointaines, deviennent atteignables.

Sinon, le monde virtuel du Web restera une extension instrumentale du monde réel, et alors... est-ce que cela en vaut encore la peine ?

Une illustration de société virtuelle libre de subsidiarité se trouve dans l'ouvrage "La transmission des compétences personnelles à l'ère numérique" (http://cariljph.free.fr/) : la finalité est dans le titre, la construction de la société virtuelle pour s'en approcher reste un vrai défi, mais on montre que tout est faisable.

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