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31 août 2012

Pour un Web de la conversation à objectif (3)

En complément des deux billets précédents sous le même titre, voici quelques remarques destinées à faciliter la compréhension de nos propositions et à en confirmer l'intérêt, même à notre époque de communication.

L'ébauche d'étiquette-mère présentée dans le deuxième billet est spécifiquement destinée à faciliter l'établissement de relations constructives entre des personnes de cultures et de langues différentes. L'instrumentation à base de couleurs de jeux de carte, de panneaux de signalisation routière, de caractères spéciaux courants en informatique... n'est évidemment pas fortuite. Par ailleurs, le principe et l'instrumentation de l'étiquette sont conçus pour qu'un automate de traduction automatique soit performant.

Dans les interactions d'une conversation à objectif sous étiquette, les comportements des participants deviennent objectivement observables. Il devient plus facile de se comprendre, notamment du fait que les comportements "pathologiques" des participants relativement aux autres leur apparaissent nettement, aux uns et aux autres. Concernant les pathologies nocives au déroulement de la conversation elle-même, il est possible d'établir des règles de politesse et de cheminement permettant de les réduire, parce que tous les participants peuvent s'accorder a priori sur de telles règles. Par exemple : limitation à l'intérieur d'une tranche temporelle du nombre de références à une personne, un thème ou une proposition afin d'éviter les effets de harcèlement ou d'avalanche; limitation d'utilisation des couleurs majeures par chaque participant, afin d'éviter les montées aux extrèmes, etc.

Il serait amusant d'analyser les débats télévisés ou radiophoniques, en particulier les confrontations entre représentants de tendances politiques opposées, en les redéroulant artificiellement dans un cadre de conversation à objectif sous une étiquette générique proche de l'étiquette-mère proposée au billet (2). L'exercice révèlera certainement quelques pathologies grossières, aussi bien dans la définition de l'étiquette que dans le déroulement du débat. A la décharge des organisateurs, d'un point de vue purement technique, l'objectif de ces débats n'est jamais d'atteindre une position commune sur quoi que ce soit, mais de valoriser les protagonistes et les animateurs selon des critères d'effet médiatique. Autrement dit, ce sont des exercices de style presqu'entièrement au deuxième degré, à l'opposé des conversations à objectif au premier degré au sens où nous l'entendons dans le billet (1).

A titre de détente au troisième degré, posons-nous la question de l'intérêt relatif des ouvrages suivants en regard de nos propositions. Nous nous permettons de recommander le premier, il dit beaucoup en quinze pages.

bonslivres_1.jpg bonslivres_2.jpg

Comment discerner qu'une conversation à objectif reste au premier degré ? C'est impossible, aucun système ni aucune personne ne peut contrôler le sens des contenus échangés dans une conversation. En revanche, la convention d'un objectif commun et d'une étiquette d'interaction imposent un cadre de convergence peu propice à la poursuite d'exercices d'acrobatie mentale. A l'extrême, si les participants se mettaient d'accord sur une parodie d'objectif et d'étiquette, leur brillante communauté virtuelle ressemblerait tellement à une quelconque vraie société, que leur projet de moquerie se viderait de lui-même.

Quel peut-être le bon état d'esprit d'un protagoniste dans une conversation à objectif sous étiquette ? Nous avons fait allusion passagèrement à un profil de diplomate. A la réflexion, ce n'est pas le meilleur choix, malgré le prestige qui lui est attaché. En effet, le comportement du diplomate est alourdi de rituels de connivence élitiste et de maneuvres de convergence. Au contraire, notre bon participant ne cherche ni à assimiler les autres ni à s’assimiler aux autres. A l’inverse du diplomate, son intérêt bien compris est de renforcer chacun de ses correspondants dans sa particularité et son génie, et d’autant plus si la particularité et le génie de ces correspondants dépassent ses propres facultés, car il se nourrit des différences et l'étiquettte lui permet de se servir de l’opposition éventuelle. De plus, au contraire du diplomate qui fait excuser ses maladresses au prétexte de sa bonne motivation, le bon participant ne devrait jamais présenter ses motivations personnelles autrement qu'en conséquence de l'objectif commun. Le bon participant est une sorte d'arriviste intelligent pratiquant naturellement la réciprocité d'intérêt général.

C'est aussi pourquoi la modélisation générique du participant à quatre niveaux, même particularisée dans un contexte donné, doit rester générique, au sens où les contenus restent propres à chaque individu à chaque niveau, et inconnus des autres participants. Il est fondamental que le "quant à soi" de chaque participant ne soit jamais publié, mais qu'il puisse être exprimé par chaque participant en tant que de besoin et compris en tant que tel par les autres. En revanche, si le type de conversation et l'objectif imposent la connaissance partagée d'informations individuelles, dans la phase d'élaboration de l'étiquette, on pourra cataloguer ces éléments de "trésors" individuels strictement sélectionnés comme des thèmes de discussion mis en commun. Le modèle générique du participant ne prétend pas représenter l'être humain dans son intégralité, c'est seulement un instrument d'explicitation du comportement individuel dans une conversation à objectif. Cependant, même ainsi, par rapport à une interprétation mécaniste, il s'agit d'un anti-modèle, puisqu'il ne suppose aucune cohérence logique des contenus individuels des différents niveaux ni même à l'intérieur d'un niveau donné (sauf le niveau 2 des projets rationnels), à l'instant ni en évolution dans le temps. D'ailleurs selon quelle logique, ou plutôt selon quel système de valeurs pourrait-on en juger ?

Pour conclure. Sur ce blog, nous appelons à la création de sociétés virtuelles. Nous espérons que notre travail en aura rapproché la réalisation.

Pour un Web de la conversation à objectif (2)

Merci par avance de votre indulgence, et si ce n'est déjà fait, de bien vouloir relire auparavant le premier billet sur le même sujet.

Car nous pénétrons un territoire mental peu fréquenté ces derniers temps dans l'histoire humaine...

Pour parler vraiment avec les autres, il faut apprendre à leur parler de soi et à ne pas leur parler de soi. Tous les professionnels de la parole le savent. La difficulté naturelle traduite par ce paradoxe existe dans toutes les cultures, y compris les moins individualistes. Ainsi, on peut se parler pendant des heures sans rien se dire, c'est d'ailleurs la plupart du temps ainsi, pour des milliers de raisons propres à chaque culture. Dans un autre registre, l'art des trafiquants de la parole pour gruger leurs interlocuteurs repose sur un déséquilibre contrôlé des termes du paradoxe, très souvent au centre de leur maneuvre.

Voyons comment construire les éléments d'une étiquette à la hauteur de ce paradoxe, dans le cadre de référence présenté dans le premier billet sur le même sujet.

Le format d'un billet oblige à une effroyable simplicité. Tant mieux.

Mettons-nous donc dans la tête d'un participant en train de concevoir la rédaction de sa prochaine intervention, dans le cours des interactions de la conversation.

Je peux si nécessaire commencer mon intervention par la communication d'un niveau de ''quant à moi'". Je le fais par une couleur d'annonce.

TREFLE.JPG Trèfle. Mes traits culturels de comportement, auxquels j'ajoute mon interprétation de l'étiquette commune d'interaction (ce qui me permet de m'exprimer pendant l'élaboration de l'étiquette elle-même et ensuite sur son respect)


CARREAU.JPG Carreau. Mes projets en cours, mes activités planifiées personnelles dans ma vie



COEUR.JPG Coeur. Mes construits mentaux, théories, croyances, le sens que je donne à certains mots (tout cela peut-être avec incohérences et approximations)


PIQUE.JPG Pique. Mon jardin secret, je ne sais pas vraiment ce qu'il y a dedans, mais je sais dire quand on le piétine, et on ne touche pas !


Toujours, je donne un signal d'intention :

Proposition.jpg Je fais une proposition, une déclaration



Accord.jpg J'exprime un accord



Desaccord.jpg J'exprime un désaccord



Developpe.jpg Je souhaite un développement, une comparaison




Pause.jpg j'exprime un refus, je demande une pause


...

Ensuite, je dis sur quoi ou qui porte mon intention, par une suite de références (en cliquant sur des tableaux ou listes, je n'ai pas à taper les références ci-dessous et inversement le contenu de ces références s'affiche automatiquement en popup) :

$ numéro ou alias : un participant (si je ne précise pas, c'est moi)

~ numéro : le thème de conversation portant ce numéro dans le répertoire des thèmes communs ou le répertoire des propositions d'un participant (alors j'ajoute le $ du participant)

{ numéro : la règle de politesse portant ce numéro dans le répertoire des règles de politesse d'interaction dans l'étiquette commune

> numéro : la règle de cheminement portant ce numéro dans le répertoire des règles de cheminement entre les thèmes dans l'étiquette commune

# un élément extérieur (url par exemple)

Je peux insérer du texte, par exemple lorsque je détaille une proposition. Après un signal d'intention négative, je peux enchaîner une proposition dans mon intervention.

C'est simple, non ? On peut enfin dire poliment que l'on propose de revenir à un thème précédent, que l'on est profondément vexé et que l'on se retire, et on n'a plus à répéter 100 fois la même proposition pour qu'elle soit entendue.

Evidemment, l'étendue et la nature des règles de politesse dépendent principalement du contexte et de l'objectif. Dans notre proposition, on aligne tous les participants sur une seule description à quatre niveaux générique. Il est clair qu'on peut avoir plus d'imagination et définir plus précisément ces niveaux en rapport avec un objectif donné, surtout si les protagonistes interagissent dans un contexte étroit. Attention, cependant de ne pas particulariser des types de participants. Le fait que les protagonistes aient des intérêts et des priorités différentes (niveau 3) n'en fait pas des êtres étrangers les uns aux autres dans la conversation, sinon la définition de l'objectif commun de cette conversation est par avance compromise (ceci est une évidence pour tout diplomate expérimenté...). En effet, le principe égalitaire de la conversation n'implique évidemment pas l'identité des personnes, mais seulement l'égalité d'application des règles convenues entre eux.

En parallèle, les règles de cheminement peuvent être plus ou moins fournies; elles dépendent principalement de l'objectif et des thèmes (voir l'exemple de la discussion entre un acheteur et un vendeur de bien industriel, billet "Pas de dialogue sans étiquette !"). Notons que même dans notre proposition minimaliste, il est facile d'exprimer le refus devant une insistance gênante sur un thème.

Ce que nous avons esquissé avec nos moyens du bord, mais du fait de la généralité du cadre de référence choisi et malgré toutes les imperfections, est néanmoins un projet d'étiquette-mère universelle. Ce qui signifie : il appartient à chaque communauté d'élaborer l'étiquette qui convient, à partir de cette étiquette-mère-ci... ou d'une autre.

Faisons un rêve : dans quelques années, tous les engins informatiques personnels auront un clavier étendu de "caractères d'étiquette" ou offriront son équivalent via un tableau de sélection affiché par leur système d'exploitation. Et des professionnels plus doués en ergonomie que les auteurs de ce billet s'intéresseront enfin à l'interface d'humain à humain, et des chercheurs compétents (tandis que leurs collègues disputeront de millle microthèses) expérimenteront des étiquettes d'interaction sociale et enfin des ingénieurs imagineront comment les réaliser simplement (notamment en trouvant comment, à l'intérieur des conversations sur le Web, dépasser la contrainte "universelle" paralysante des liens URL univoques non datés et rigidement typés), et tout ceci circulairement....

Sinon : rien.

27 août 2012

Pour un Web de la conversation à objectif (1)

Voici donc enfin une proposition d'étiquette (presque) universelle destinée aux interactions entre personnes dans le cadre d'une conversation à objectif sur le Web.

Ce premier billet explique pourquoi une telle étiquette est utile, même vitale dans ce cadre, et en propose quelques principes, à côté des autres conventions que les protagonistes choisissent de respecter.

Qu'il soit bien clair que nous ne prétendons pas considérer toutes les conversations, et en particulier pas celles destinées à :

  • satisfaire une curiosité spontanée, par exemple savoir si untel est toujours vivant (et éventuellement me rassurer sur mon propre cas),
  • exécuter une procédure prédéfinie de compte rendu,
  • bavarder de choses et d'autres (et notamment de moi, de moi, et de moi),
  • tenir un rôle strictement encadré par un code (ou par le texte d'une pièce de théâtre),
  • manifester l'intention de maintenir un contact social par pure sympathie, sur n'importe quel contenu, n'importe quelle musique,
  • obtenir une réponse à une question fermée dans un contexte étroit ("où se trouve le bureau de poste le plus proche ?"),
  • débattre d'idées à l'infini, par le jeu de reformulations, de déplacements du contexte, de fines suggestions dans un flot de références savantes, généralement de sorte que rien de concret ne puisse en ressortir à part l'humiliation des inférieurs culturels ou moins entraînés,
  • ...

Le neveu de Rameau représente un sommet littéraire, en même temps qu'un excellent exemple de ce qui se trouve complètement en dehors de notre cadre. On peut donc constater humblement que tout n'est pas superflu en dehors de ce cadre.
Neveu.jpg

Au fait, qu'entendons-nous par "conversation à objectif" ? Hé bien, c'est... euh, une interaction en vue d'un objectif convenu entre des personnes, pas forcément proches, qui apporte à toutes ces personnes la certitude de s'enrichir un peu, à partir des seuls contenus mis en commun des échanges au cours de la conversation. Pas forcément tout de suite pendant les interactions et pas forcément de la même façon pour chacun.

Ce n'est pas clair ? C'est normal, parce que ce type de conversation et surtout sa réussite restent malheureusement des exceptions. Cependant, vous avez certainement connu cette expérience plusieurs fois dans votre vie, et alors le souvenir ne s'en efface pas. Pourtant, nous ne parlons pas d'un "enrichissement" du genre d'une conversion philosophique, mais des modestes bienfaits des interactions avec nos semblables dans les circonstances courantes de la vie, telles que la recherche conflictuelle d'un accord contractuel, la transmission amicale de compétences culinaires, la contribution à un ouvrage collectif. Souvenez-vous, et demandez-vous pourquoi ce furent des moments si rares. Demandez-vous aussi, par comparaison, pourquoi certains trucs appris des autres, vous avez plutôt l'impression de les avoir volés, ou tout au moins d'avoir largement profité de la pudeur des donateurs...

C'est le caractère exceptionnel de la réussite d'une conversation à objectif que nous proposons de dépasser. Le Web permet cet exploit, même si ce n'est guère évident pour l'instant. Plusieurs billets publiés dans ce blog permettent d'évaluer le saut quantique à réaliser pour y parvenir. Les contributeurs des communautés de travail sur le Web (encyclopédie, logiciel, grand projet) ou des communautés d'échange à thème (clubs sportifs, forums, ... ) peuvent témoigner qu'il leur manque "quelque chose" entre les échanges de travail et les émoticones de l'euphorie sympa bon enfant. En fait, le vide d'interaction sociale est occultée par des cadres mutilants. La misère est particulièrement criante dans les séries de commentaires des blogs, même les blogs les mieux courus, et ceci indépendamment de la qualité des contributions individuelles (c'est justement là qu'est le scandale). Récemment, dans certains forums techniques, on constate la banalisation du retour d'information par le bénéficiaire d'un conseil fructueux. C'est un début de civilisation. Malheureusement, en amont, il reste la masse des aboiements idiomatiques, des banalités ignorantes et des recommandations inadéquates, qui ressortent en tête dans les réponses des moteurs de recherche.

Examinons les principales causes bien connues mais néanmoins toutes fondamentales du pourrissement d'une conversation à objectif :

  • la pesanteur des préjugés et idées fausses implicites (en particulier les préjugés des autres sur moi)
  • les blocages stupides sur des détails insignifiants (pourquoi s'est-il vexé de ma petite phrase, c'est grotesque...)
  • les changements de sujet imposés par une coalition spontanée de quelques uns (au lieu de s'intéresser à ce que j'ai dit)
  • la prétention d'un(e) imbécile à vouloir arbitrer la discussion, alors qu'il (elle) ne comprend rien à ce qui se passe (et ne discerne pas la valeur réelle de mon apport)
  • le décalage volontaire de registre par des mauvais joueurs, le second degré, les incidentes perturbantes, etc (je ne sais pas comment leur dire d'arrêter leurs bêtises, je ne fais que me défendre...)
  • la tétanisation sur un indicateur productiviste censé mesurer la performance de chacun ou du groupe (certains font la course pour faire progresser l'indicateur, d'autres font tout en sens contraire, à la fin, cela se négocie)
  • l'enfermement dans un jeu de rôles (le gentil demande plus d'explications, le méticuleux critique la syntaxe, le rusé balance des sacs pleins de contre arguments, le malin relève les contradictions, le matamore fait le beau...)
  • la précipitation à trouver une conclusion (le ressort de tant de manipulations)
  • ...

Tenter d'échapper à l'inévitable enlisement de toute conversation à objectif, c'est se précipiter sur une voie déjà fortement encombrée et sans gloire vers diverses fausses solutions. Parmi les plus expérimentées, citons l'imposition d'une forme totalitaire de pression mentale, ou l'acquisition d'une potion magique sur l'étagère d'un vendeur de (son propre) développement personnel. Ces solutions ne peuvent évidemment au mieux que déplacer les niveaux respectifs d'influence des facteurs du pourrissement.

Reconnaissons plutôt qu'il ne peut exister ni vaccin ni remède, évidemment pas dans le libre jeu des marchés, et pas plus dans les ruminations des savants bien assis.

Il nous reste la liberté d'innover pour nous donner le pouvoir de surmonter les facteurs négatifs, à défaut de pouvoir s'en affranchir. Ailleurs dans ce blog, on expose pourquoi et comment une étiquette adaptée peut permettre de conduire une conversation à objectif, certes sans garantie du succès, mais en équipant les participants du pouvoir de calmer les démons et de réduire leurs effets dès leur apparition. Comme tout pouvoir, on peut en user ou pas, avec adresse ou pas.

Dans le cadre limité d'une conversation à objectif sur le Web, on bénéficie d'un contexte technique plutôt favorable, à condition de résister aux tentations de l'usage naïf de la technologie. Historiquement, la tentation majoritaire est de se ramener au modèle de la discussion en pleine rue (le Web comme visiophone). Une autre tentation est de se soumettre à un modèle d'échange informatique entre robots pensants (le Web des jolis formulaires et des pages formattées).

Nous nous situons toujours dans un mode de conversation classique sur le Web, par écrit, en temps différé ou en temps réel. Notre hypothèse de référence est celle d'une communauté égalitaire de participants répartis entre plusieurs fuseaux horaires et contribuant à une oeuvre commune, dont les éléments sont répartis entre les participants (genre trésor personnel) ou sont rassemblés pour un usage collectif (genre trésor de l'humanité ou d'un de ses sous-groupes).

Nous proposons l'instauration d'une étiquette d'interaction à convenir entre les participants en fonction du type d'objectif (la réalisation ou le progrès de l'oeuvre commune), du contexte général, de particularités ou contraintes des participants, etc. La définition de cette étiquette s'appuie sur quelques principes :

  • imposition de l'expression au premier degré (ce qui inclut évidemment le déconnage convenablement signalé),
  • prohibition de toute expression fondée sur la connaissance, la supposition ou la recherche d'une caractéristique de l'autre, si cette connaissance est hors sujet,
  • renonciation à la prédétermination du cheminement entre les étapes formelles de la conversation,
  • renonciation à la recherche d'une prise de conscience simultanée par chaque protagoniste de l'atteinte de l'objectif de la conversation.

Ces principes peuvent sembler contestables et imparfaits, même dans le cadre et l'hypothèse de référence. On verra plus loin que leur importance relève de la pédagogie de l'étiquette plus que de sa pratique. En revanche, il est crucial que l'étiquette d'interaction ne soit pas confondue avec une simple convention de forme ou de fond des contenus échangés, ni avec un procédé de rédaction collective particulièrement efficace. Notamment, il serait aberrant d'y inclure un indicateur de mesure productiviste : une étiquette d'interaction n'exclut pas a priori ce type de mesure selon besoin, mais par nature ne peut pas en contenir. Dit autrement, l'accord des participants sur une étiquette d'interaction doit rester indépendant des autres accords qu'ils peuvent établir entre eux par ailleurs, en particulier sur la forme des contenus, le fond, les indicateurs de progression, etc. Mais logiquement, l'étiquette d'interaction doit être établie antérieurement aux autres conventions entre les participants, juste après l'objectif commun, afin que cette étiquette puisse être mise en oeuvre dès la période constituante d'une communauté de conversation à objectif, c'est-à-dire dans la période de définition des conventions et règles communes.

Les tout prochains billets seront consacrés à la présentation développée de l'étiquette d'interaction proposée dans le cadre et l'hypothèse de référence.

Ne confondons pas "conversation à objectif" avec "dialogue de fin" ni avec "discours de clôture"...

15 juin 2011

Pour une révolution sociale

L'ouvrage proposé ici http://cariljph.free.fr/ est un essai révolutionnaire, sous des apparences gentillettes.

Le sujet, c'est la transmission des compétences personnelles à l'ére numérique, mais la réflexion menée dans le bouquin est plus générale.

Le livre développe une mise en question des solutions numériques existantes, de leur pérennité, de l'authenticité de leur souci des personnes. A l'évidence, ces solutions existantes ne peuvent suffire à reconcilier notre avenir avec notre passé dans un monde où les techniques, les idées, les modes de vie évoluent à grande vitesse.

Comment alors partager nos compétences personnelles, savantes ou banales, hors de toute compromission publicitaire, hors de toute exploitation (y compris les exploitations indirectes en arrière plan sous la forme de statistiques globalisées) ? Ensuite, comment pouvons-nous espérer exprimer aujourd'hui nos compétences pour répondre à des attentes futures non formulées ? Bien évidemment, il ne peut exister de solution qu'au travers des dialogues de personne à personne, quelle que soient les cultures, opinions, professions....

C'est donc une société virtuelle complète qu'il faut imaginer, avec ses conventions, ses règles de conduite, ses outils.

Photo_216.jpg

En traduction pratique, et en résumé, du point de vue de ma petite personne dans cette société virtuelle destinée à la transmission des compétences personnelles :

  • mon "site-héritage" est un site Web personnel que je maîtrise entièrement, contenu, accès, emplacement physique
  • mon site est structuré pour communiquer mes axes d'expérience, pas pour détailler mes compétences
  • son contenu est personnel, mais mon site est anonyme (mon nom, mes indicateurs de position sociale seraient des obstacles a priori)
  • un réseau de tuteurs m'aide à améliorer la rédaction initiale de mon site
  • l'outillage de rédaction me permet de relier les contenus de mon site à des référentiels permanents (dictionnaires, encyclopédies, collections de journaux,...) afin que leur contexte soit exprimé le plus finement possible à partir d'éléments communs permanents
  • un moteur de recherche spécifique me permet de trouver les autres sites personnels susceptibles de m'aider à compléter mes compétences
  • les réponses de ce moteur de recherche sont des objets que je peux enregistrer, traiter localement (filtres), utiliser dans les dialogues
  • le dialogue de personne à personne dans la phase initiale d'enquête en vue d'un échange de compétence est conduit selon une étiquette stricte, à la fois pour une communication efficace et pour éviter les excès (inquisition, intimidation, influence, imposture,...)
  • après accord entre un donateur et un bénéficiaire, les étapes de transmission d'une compétence spécifique sont réalisées par l'intermédiaire d'une plate forme collective adéquate, analogue à une plate forme de formation à distance

Pour une telle société virtuelle supposée éternelle, plusieurs services sont attendus des fournisseurs d'accès à Internet ou sont à créer spécifiquement, notamment :

  • isolement de la société virtuelle vis à vis du Web au grand large, protection des sites-héritages (sauf une partie déclarée comme publique), des dialogues entre personnes, des échanges sur la plate forme collective
  • protection de l'anonymat des sites-héritages
  • entretien des référentiels communs permanents (archivage versionné)
  • pérennité des liens entre les sites-héritages et les référentiels permanents
  • tenue de l'annuaire des tuteurs (anonymes)
  • fourniture de l'outillage de création, rédaction, entretien des sites par leurs auteurs autorisés
  • diffusion des conventions, règles, étiquettes, de la société virtuelle et de leurs mises à jour
  • fourniture du "moteur de recherche" adapté (ou base équivalente)
  • instrumentation du dialogue non instantané entre auteurs de sites-héritages, avec interruption et reprise, et possibilité de plusieurs dialogues simultanés par auteur
  • surveillance du niveau d'activité des auteurs de sites-héritages, détection des auteurs disparus, signalisation dans les réponses du moteur de recherche

Peut-être trouvez-vous que ces listes mélangent des éléments techniques inhabituels avec des articles de morale interne à une société virtuelle particulière ?

Hé bien, vous avez tout compris : une société virtuelle ne peut se réduire à l'utilisation d'un bidule informatique à la mode du moment, et les identités et lois sociales d'une société virtuelle doivent être conçues spécialement pour répondre aux finalités de ladite société.

TOUT RESTE A FAIRE dans l'univers des sociétés virtuelles !

9 juin 2011

Moteur de recherche à notre service ?

Pour que mon site personnel soit bien vu des moteurs de recherche, je dois respecter des règles expliquées dans des guides et documents (d'ailleurs passablement incohérents s'ils ont été rédigés à des époques légèrement différentes).

Et, si je me prends au sérieux, je vais acheter d'abord des conseils plus affutés et plus tard, plus cher encore, des listes astucieuses de mots clés sélectionnés en fonction des statistiques de requêtes, afin que mon site sorte automatiquement dans les premiers !

N'est-il pas étonnant que personne ne s'élève contre cette logique et ce commerce ? On pourrait pourtant y voir à la fois une atteinte à la liberté d'expression et l'instauration d'une sélection par la richesse.

Photo_278.jpg

A l'inverse, un moteur de recherche, s'il était conçu comme un vrai service à l'usager, permettrait à cet usager de définir lui-même dans quelle mesure son site doit être indexé, et lui présenterait, pour ce faire, en temps réel, le résultat d'indexation de son site ainsi que des conseils sur les moyens d'en faire ressortir l'originalité.

Nous voyons bien que ce n'est pas de cela qu'il s'agit dans le Web actuel...

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